07/04/2023
Bordeaux Primeurs 2022 : les résultats (1)
Bordeaux Primeurs 2022 : le moelleux du 1959, la puissance tannique du 1961
Oubliez le 2003, oubliez le 1982 !
Bordeaux, le 7 avril 2023
Tout est dit dans le titre !
Depuis plusieurs jours, je cherche à résumer la hiérarchie de mes sensations pour vous alerter sur ce qui se passe dans les verres. Au début un doute apparaît puis les mêmes sensations se répètent inlassablement ! Je l'avais remarqué dès octobre en goûtant les premiers lots, poussé par ce que j'avais vu de la belle tenue des vignes. Mais je n'imaginais pas des résultats aussi grands. Aujourd'hui toutes les références connues sont dépassées. Sans explication logique ou scientifique devant la provenance d'une telle qualité beaucoup reconnaissent humblement leur désarroi. Où la vigne a-t-elle été chercher tout ça dans de telles conditions climatiques ?
1/ C'est factuel et unique : 80 % des vins que je goûte sont les meilleurs jamais faits.
2/ Cheval Blanc ne trouve aucun lot pour faire du second vin, ni Corbin. Le constat est général. A quoi bon faire du second vin de la qualité d'un premier ? Comment choisir le moins bon quand toutes les références sont bousculées dans les parcelles charnières. En principe, on prend les tannins les moins mûrs, les plus verts, les plus rigides. Où sont-ils ?
3/ Jamais les nez n'ont autant senti les fruits noirs, rive gauche comme rive droite, y compris en vendangeant tôt.
Imaginez partout un 2016 à la couleur noire, une présence fruitée pure, avec plus de milieu de bouche, une sucrosité record, un toucher huileux et une puissance tanique forte sans pour autant sentir le tanin.
4/ En bouche, toutes les attaques sont soyeuses, veloutées, grasses. Au bout de 4 à 5 secondes arrive une sensation inédite : les vins gagnent une énorme sucrosité. Ils prennent alors une autre dimension jusqu'en finale, puissants, amples, franchement huileux, très fruités et longs, sans écoeurement. Ce descriptif est identique rive droite comme rive gauche. Alors que les degrés d'alcool atteignent les 15° rive droite et se situent entre 13°5 et 14°2 rive gauche, j'ai d'abord cru que cette sucrosité était liée au fort taux d'alcool. Or, elle existe aussi rive gauche. Finalement, je comprends qu'il s'agit d'une typicité du millésime bien en phase avec la sensation de fruits noirs exprimée au nez.
5/ Toutes les finales sont profondes et le tannin possède une enveloppe aromatique et tactile très élevée qui le recouvre sans arrêt. Personne n'a cherché à extraire, prudent devant cette qualité de vendange si anachronique. Les tanins sont venus d'eux-mêmes. Les indices IPT sont très élevés, y compris en ne pratiquant que peu de remontage ou uniquement de l'infusion. C'est une indication majeure sur la maturité des raisins, le bel effet de la contrainte hydrique et le potentiel de qualité.
6/ Les cépages les plus réussis.
Rive droite : le merlot et le cabernet franc.
Les fonctionnaires qui après les feux de l'été, la chaleur, la sècheresse ont de suite plaidé pour un changement de cépages à Bordeaux y seront pour leurs frais. Le merlot rive droite est merveilleux sur les zones appropriées. Le cabernet franc est royal et en augmentation dans les assemblages.
Rive gauche : le cabernet sauvignon, le petit verdot, le cabernet franc et de manière inattendue parfois le merlot.
Les arômes floraux, la fraîcheur aromatique et la complexité du cabernet sauvignon associée à une sensation de pulpe élevée émerveillent. Grand petit verdot ! Comme souvent, les merlots sont moins racés. Cependant il existe de surprenantes exceptions.
7/Les pH : ils sont bas rive droite sur les meilleurs terroirs. Ils équilibrent parfaitement la richesse en alcool. Ils sont plus élevés rive gauche pour le cabernet sauvignon. Voilà qui graisse les vins en bouche malgré un degré d'alcool plus bas.
Bien sûr sur les zones plus fragiles, plus sableuses, plus chaudes, le merlot aura été acidifié. Bien entendu, avec des pH plus hauts rive gauche (3.8), les vins seront à surveiller pour éviter toute déviation. Cependant, les bons crus n'ont jamais été aussi bien équipés et les techniciens jamais aussi bien formés pour contenir tout dérapage.
8/Les sols : très grande réussite sur l'argile, les graves argileuses et le calcaire. Et même des zones froides. Variations plus importantes sur les sols de graves sèches pour raison de blocage, sauf approche culturale disruptive.
9/Les volumes : ils sont très variables et sauf exception (Clos Manou- Corbin) ils ne feront le bonheur de personne ! Certains ont beaucoup et d'autres peu avec des variations entre 52 hl à 21 hl dans de nombreux crus célèbres. Un peu de gel, un peu de grêle et surtout une saison sèche ont réduit les rendements malgré une belle sortie de grappe et une floraison sans embûche. En 2022 le poids des baies est historiquement faible. Moins de 1 g pour le cabernet, autour de 1,15 g pour le merlot. Jamais les cuves n'ont autant contenu de matière solide et si peu de jus. Il n'y aura pas assez de vins pour tous. Les frustrations commerciales seront sévères.
10/ Et pour conclure
Alors que le bordelais traverse une crise sociale profonde dans les crus d'entrée de gamme, que les 2020 réputés et redégustés en bouteilles n'attirent pas plus que ça, dans les chais des crus appliqués, célèbres et Outsiders, sommeillent des trésors. Heureux ceux qui le comprendront.
Pour les vins dont je vous parle régulièrement en bien et d'autres qui montrent des signes constants d'amélioration, ma recommandation est simple : il faut tout acheter et le plus vite possible. Pour d'autres une sélection attentive s'impose. La confiance n'exclut pas le contrôle !
P.S. Les abonnés pourront suivre au jour le jour LIVE mes commentaires crus par crus sur le site dès cette semaine.
Bonne lecture.
Jean-Marc Quarin
www.quarin.com
_______________________________________________________________________Oubliez le 2003, oubliez le 1982 !
Bordeaux, le 7 avril 2023
Tout est dit dans le titre !
Depuis plusieurs jours, je cherche à résumer la hiérarchie de mes sensations pour vous alerter sur ce qui se passe dans les verres. Au début un doute apparaît puis les mêmes sensations se répètent inlassablement ! Je l'avais remarqué dès octobre en goûtant les premiers lots, poussé par ce que j'avais vu de la belle tenue des vignes. Mais je n'imaginais pas des résultats aussi grands. Aujourd'hui toutes les références connues sont dépassées. Sans explication logique ou scientifique devant la provenance d'une telle qualité beaucoup reconnaissent humblement leur désarroi. Où la vigne a-t-elle été chercher tout ça dans de telles conditions climatiques ?
1/ C'est factuel et unique : 80 % des vins que je goûte sont les meilleurs jamais faits.
2/ Cheval Blanc ne trouve aucun lot pour faire du second vin, ni Corbin. Le constat est général. A quoi bon faire du second vin de la qualité d'un premier ? Comment choisir le moins bon quand toutes les références sont bousculées dans les parcelles charnières. En principe, on prend les tannins les moins mûrs, les plus verts, les plus rigides. Où sont-ils ?
3/ Jamais les nez n'ont autant senti les fruits noirs, rive gauche comme rive droite, y compris en vendangeant tôt.
Imaginez partout un 2016 à la couleur noire, une présence fruitée pure, avec plus de milieu de bouche, une sucrosité record, un toucher huileux et une puissance tanique forte sans pour autant sentir le tanin.
4/ En bouche, toutes les attaques sont soyeuses, veloutées, grasses. Au bout de 4 à 5 secondes arrive une sensation inédite : les vins gagnent une énorme sucrosité. Ils prennent alors une autre dimension jusqu'en finale, puissants, amples, franchement huileux, très fruités et longs, sans écoeurement. Ce descriptif est identique rive droite comme rive gauche. Alors que les degrés d'alcool atteignent les 15° rive droite et se situent entre 13°5 et 14°2 rive gauche, j'ai d'abord cru que cette sucrosité était liée au fort taux d'alcool. Or, elle existe aussi rive gauche. Finalement, je comprends qu'il s'agit d'une typicité du millésime bien en phase avec la sensation de fruits noirs exprimée au nez.
5/ Toutes les finales sont profondes et le tannin possède une enveloppe aromatique et tactile très élevée qui le recouvre sans arrêt. Personne n'a cherché à extraire, prudent devant cette qualité de vendange si anachronique. Les tanins sont venus d'eux-mêmes. Les indices IPT sont très élevés, y compris en ne pratiquant que peu de remontage ou uniquement de l'infusion. C'est une indication majeure sur la maturité des raisins, le bel effet de la contrainte hydrique et le potentiel de qualité.
6/ Les cépages les plus réussis.
Rive droite : le merlot et le cabernet franc.
Les fonctionnaires qui après les feux de l'été, la chaleur, la sècheresse ont de suite plaidé pour un changement de cépages à Bordeaux y seront pour leurs frais. Le merlot rive droite est merveilleux sur les zones appropriées. Le cabernet franc est royal et en augmentation dans les assemblages.
Rive gauche : le cabernet sauvignon, le petit verdot, le cabernet franc et de manière inattendue parfois le merlot.
Les arômes floraux, la fraîcheur aromatique et la complexité du cabernet sauvignon associée à une sensation de pulpe élevée émerveillent. Grand petit verdot ! Comme souvent, les merlots sont moins racés. Cependant il existe de surprenantes exceptions.
7/Les pH : ils sont bas rive droite sur les meilleurs terroirs. Ils équilibrent parfaitement la richesse en alcool. Ils sont plus élevés rive gauche pour le cabernet sauvignon. Voilà qui graisse les vins en bouche malgré un degré d'alcool plus bas.
Bien sûr sur les zones plus fragiles, plus sableuses, plus chaudes, le merlot aura été acidifié. Bien entendu, avec des pH plus hauts rive gauche (3.8), les vins seront à surveiller pour éviter toute déviation. Cependant, les bons crus n'ont jamais été aussi bien équipés et les techniciens jamais aussi bien formés pour contenir tout dérapage.
8/Les sols : très grande réussite sur l'argile, les graves argileuses et le calcaire. Et même des zones froides. Variations plus importantes sur les sols de graves sèches pour raison de blocage, sauf approche culturale disruptive.
9/Les volumes : ils sont très variables et sauf exception (Clos Manou- Corbin) ils ne feront le bonheur de personne ! Certains ont beaucoup et d'autres peu avec des variations entre 52 hl à 21 hl dans de nombreux crus célèbres. Un peu de gel, un peu de grêle et surtout une saison sèche ont réduit les rendements malgré une belle sortie de grappe et une floraison sans embûche. En 2022 le poids des baies est historiquement faible. Moins de 1 g pour le cabernet, autour de 1,15 g pour le merlot. Jamais les cuves n'ont autant contenu de matière solide et si peu de jus. Il n'y aura pas assez de vins pour tous. Les frustrations commerciales seront sévères.
10/ Et pour conclure
Alors que le bordelais traverse une crise sociale profonde dans les crus d'entrée de gamme, que les 2020 réputés et redégustés en bouteilles n'attirent pas plus que ça, dans les chais des crus appliqués, célèbres et Outsiders, sommeillent des trésors. Heureux ceux qui le comprendront.
Pour les vins dont je vous parle régulièrement en bien et d'autres qui montrent des signes constants d'amélioration, ma recommandation est simple : il faut tout acheter et le plus vite possible. Pour d'autres une sélection attentive s'impose. La confiance n'exclut pas le contrôle !
P.S. Les abonnés pourront suivre au jour le jour LIVE mes commentaires crus par crus sur le site dès cette semaine.
Bonne lecture.
Jean-Marc Quarin
www.quarin.com
©Copyright
Cette publication est éditée par Jean-Marc Quarin SAS, 10 allée de Ginouilhac, Le Taillan-Médoc. France. Contact : www.quarin.com
Les médias et les distributeurs de vins peuvent utiliser ces notations à condition de ne pas les déformer et en citant à la fois son auteur : Jean-Marc Quarin et l'origine de leur source : quarin.com